Les enfants, une population vulnérable exposée à la pollution de l’air à l’écoles

AUTEURS : SÉVERINE DEGUEN & WAHIDA KIHAL (CNRS)

En France, pour guider les décideurs publics dans l'élaboration de politiques de lutte contre la pollution de l'air, Santé Publique France réalise des évaluations quantitatives d'impact sur la santé (EQIS) ; des guides ont d’ailleurs été rédigés afin de faciliter leur mise en œuvre. 

Une étude menée sur la période 2016 / 2019 estime que près de 40 000 décès seraient attribuables chaque année aux PM2.5 et 7 000 au NO2, représentant environ 7% et 1% de la mortalité annuelle en France, respectivement.

En termes économiques, la traduction de ce fardeau sanitaire constitue un argument supplémentaire pour agir en faveur de la réduction de l'exposition des populations à la pollution de l'air en France. Une commission d'enquête du Sénat estime en 2015 à près de 100 milliards d'euros le coût annuel de la pollution de l'air. 

De plus, une évaluation économique de l'exposition chronique aux particules fines réalisée en 2017 estime que sous le scénario du respect de la valeur guide de l'OMS pour les PM2.5, plus de 17 000 décès pourraient être évités, avec un bénéfice économique estimé à près de 53 milliards d'euros par an.

L'exposition des enfants à la pollution de l'air à l'école est une préoccupation croissante en matière de santé publique. En effet, les enfants passent une grande partie de leur temps à l'intérieur des salles de classe, où la qualité de l'air peut être affectée par divers facteurs tels que la ventilation insuffisante et la proximité de sources de pollution extérieure (telle que la proximité à des routes à niveau de trafic routier élevé) ou encore l'utilisation de produits chimiques au sein des bâtiments scolaires. Des études ont montré que la pollution de l'air à l'intérieur des écoles peut avoir des effets néfastes sur la santé et le bien-être des enfants. L'exposition à des niveaux élevés de polluants atmosphériques comme les particules fines et les composés organiques volatils peut entraîner des problèmes respiratoires, des allergies, des troubles neurologiques et des difficultés d'apprentissage. 

Les impacts sanitaires de la pollution de l'air sont considérables, comme le souligne l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui la classe comme le principal risque environnemental pour la santé dans le monde. Chaque année, l’exposition à la pollution de l’air entraîne le décès prématuré de plus de 4 millions de personnes.

  • Une étude de Santé Publique France, publiée le 30 janvier 2024, qui met en lumière les conséquences de la pollution de l'air dans les salles de classe des écoles élémentaires en France.

    Selon cette étude, environ 30 000 cas d'asthme chez les enfants de 6 à 11 ans pourraient être évités chaque année si les expositions à certains polluants de l'air, tels que le formaldéhyde et les moisissures, étaient réduites dans les salles de classe fréquentées quotidiennement par les enfants. Ces conclusions sont le résultat de la première évaluation quantitative des impacts sur la santé de la pollution de l'air à l'intérieur des écoles élémentaires en France. Bien que la présence de polluants et un mauvais renouvellement de l'air dans les salles de classe aient été établis par plusieurs données, cette étude apporte une nouvelle dimension en quantifiant ces effets sur la santé des enfants. Ces résultats soulignent l'importance de prendre des mesures pour améliorer la qualité de l'air à l'intérieur des écoles, afin de protéger la santé des enfants et de prévenir les maladies respiratoires. En réduisant les expositions aux polluants de l'air dans les salles de classe, il est possible de créer des environnements scolaires plus sains et plus propices à l'apprentissage.

    De plus, les enfants sont particulièrement vulnérables aux effets de la pollution de l'air en raison de leur système respiratoire en développement et de leur taux de respiration plus élevé par rapport aux adultes. Leurs organes en croissance peuvent également être plus sensibles aux substances toxiques présentes dans l'air. Il est donc essentiel de prendre des mesures pour réduire l'exposition des enfants à la pollution de l'air à l'école. Les inégalités en matière de pollution de l'air peuvent également se manifester dans le contexte scolaire. En effet, les écoles situées dans des quartiers défavorisés ou à proximité de zones industrielles ou de grandes artères routières sont souvent plus exposées à la pollution de l'air que celles situées dans des quartiers plus aisés.

En garantissant des environnements scolaires plus sains et plus sûrs, nous pouvons contribuer à protéger la santé et le bien-être des enfants, ainsi qu'à favoriser de meilleures conditions d'apprentissage et de développement.

Le cumul d’expositions environnementales, un enjeu de recherche en santé publique

AUTEURS : SÉVERINE DEGUEN, WAHIDA KIHAL (CNRS) & NATHAN OUVRARD (UNIVERSITÉ DE BORDEAUX)

Dans le vaste domaine de la Santé Environnementale, l'analyse du cumul des expositions revêt une importance capitale. Néanmoins, plusieurs défis majeurs se présentent. Les affections liées à l'environnement sont souvent multifactorielles et présentent des délais d'apparition assez longs, notamment dans le cas des maladies chroniques ou du cancer. De plus, ces pathologies peuvent résulter d'effets cocktails ou même avoir des répercussions transgénérationnelles, ce qui rend complexe l'évaluation de leur impact sanitaire et la compréhension de la manière dont notre environnement influence notre santé.

Lorsque l'on évoque les facteurs environnementaux, on fait référence aux effets nocifs ou bénéfiques de diverses expositions, qu'elles soient liées à la qualité de l'air intérieur ou extérieur, au bruit, au contexte socio-économique ou à l'exposition à divers types de rayonnements. Dans le passé, les études épidémiologiques se sont principalement focalisées aux effets sur la santé d'un seul agent nocif à la fois, tout en essayant de prendre en compte divers facteurs de confusion.

À ce jour, il existe peu d'outils à l'échelle territoriale permettant d'évaluer les expositions multiples ou le cumul des expositions environnementales, bien que de tels outils pourraient s'avérer essentiels pour mettre en évidence les points noirs environnementaux dans certaines zones ou la sur-exposition de certains groupes de populations (tels que les populations socioéconomiquement défavorisées). Pour relever ce défi, il est impératif de développer des méthodes adéquates.

Dans la littérature, les démarches visant à construire des "indicateurs environnementaux composites" ou des "scores composites" prenant en considération les cumuls d'expositions environnementales sont relativement récentes. Les Points Noirs Environnementaux (PNE) ont été mentionnés dès 2009 dans la fiche action n°10 du Plan National Santé Environnement (PNSE2). C'est à partir de cette période que plusieurs travaux méthodologiques ont été publiés en France.

En 2014, nous avons proposé l'utilisation d'analyses factorielles statistiques pour élaborer un indice d'exposition composite dans le but d'évaluer la charge environnementale affectant les populations (https://hal.science/hal-01069587). Nous avons mis en œuvre cette approche dans l'agglomération du Grand Lyon, en utilisant comme indicateurs environnementaux les concentrations annuelles de NO2 dans l'air ambiant, les niveaux de bruit et la proximité des espaces verts, des installations industrielles, des sites pollués et du trafic routier ; indicateurs estimés à l’échelle de l’IRIS. Ces données ont été synthétisées dans une première étape, par une Analyse Factorielle Multiple (MFA), puis dans une seconde étape les IRIS ont été regroupé d’après une classification hiérarchique. Les quatre premières composantes de la MFA expliquaient respectivement 30, 14, 11 et 9 % de la variance totale.

    • Un type d’IRIS très particulier au sein desquels peu ou pas de population résidait;

    • Des IRIS résidentiels et verdoyants, avec un niveau d’exposition aux nuisances environnementales plus faible que la moyenne estimée sur le territoire du Grand Lyon ;

    • Des IRIS résidentiels proches du centre-ville exposés au bruit et à la pollution de l’air ;

    • Des IRIS proches des industries ; et

    • Des IRIS urbains du centre-ville, avec un niveau d’exposition aux nuisances environnementales plus élevé que la moyenne estimée sur le territoire du Grand Lyon, et moins d'espaces verts.

Cette approche, utilisant des techniques d'analyse factorielle statistique et de regroupement hiérarchique, est aujourd’hui sous-exploitée pour évaluer l'exposition environnementale cumulée. Bien qu'elle ne puisse pas être directement appliquée à l'évaluation des risques, l'indice résultant peut aider à identifier les zones d'exposition accumulant des nuisances environnementales, à prioriser les politiques urbaines ou à comparer la charge environnementale supportée par les populations entre différentes parties du territoire.

Les travaux plus récents ont été menés par le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) en 2019 et 2021, par l'Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (INERIS) en 2020, ainsi que par l'Observatoire Régional de Santé (ORS) d'Île-de-France en collaboration avec d'autres institutions en 2022. Certains de ces travaux sont explicitement inspirés de l'outil CalEnviroScreen, développé à partir de 2008 par l'Office of Environmental Health Hazard Assessment (OEHHA) aux États-Unis.

De façon générale, les scores de multiexposition environnementale sont basés sur une agrégation de plusieurs indicateurs environnementaux associés à des données spatialisées. La principale difficulté réside dans la standardisation méthodologique de cette agrégation. Il est nécessaire d'associer différents indicateurs, bien que ces derniers ne partagent pas les mêmes : unités de mesure, poids dans les effets sanitaires, relations directes avec la santé ou impact sur les événements de santé. Cela rend complexe le calcul d'un impact sanitaire précis du cumul des expositions environnementales.

Néanmoins, ces scores peuvent aider les décideurs locaux, régionaux ou nationaux dans la prise de décision et la priorisation des actions à mener, en fonction des thématiques, des territoires ou des populations. Ils contribuent également à rendre les résultats obtenus, les programmes ou les actions réalisées plus visibles.

La Précarité Énergétique : combinaison entre pauvreté et expositions environnementales

AUTEURS : SÉVERINE DEGUEN, WAHIDA KIHAL (CNRS) & JANE-LISE METTON (UNIVERSITÉ DE BORDEAUX)

En France, les difficultés liées au chauffage ont commencé à être prises en compte à la fin des années 80, notamment par le biais de lois sur les aides financières et énergétiques, telles que la mise en place du revenu de solidarité destiné aux personnes en situation de précarité. Cependant, ce n'est qu'en 2010 que les autorités politiques ont réellement abordé cette question, avec l'introduction de la loi Grenelle (1). Cette loi a marqué un tournant dans la lutte contre la précarité énergétique en France en définissant pour la première fois une personne en situation de précarité énergétique comme toute personne qui éprouve des difficultés à disposer de la fourniture d'énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l'inadaptation de ses ressources ou conditions d'habitat (3,4).

La précarité énergétique est un phénomène largement répandu en Europe, comme le montre l'enquête EU-SILC menée par Eurostat (6). Cette enquête met en évidence une variabilité géographique de la précarité énergétique au sein de l'Union européenne, les pays du Sud étant plus touchés par l'incapacité à maintenir une température adéquate dans leur logement par rapport aux pays du Nord. Sur les 27 pays de l'Union européenne, la France se classe à la 10e place des pays les plus touchés par ce phénomène (6).

En France, la précarité énergétique représente un enjeu financier, politique, social et de santé majeur. Selon l'Observatoire National de la Précarité Energétique (ONPE), créé en 2011 suite à la loi Grenelle (7), 5,6 millions de ménages (environ 12 millions de personnes) étaient en situation de précarité énergétique en 2016. Dans son dernier rapport, l'ONPE souligne une augmentation de la précarité énergétique, avec 12% des Français les plus modestes ayant dépensé plus de 8% de leur revenu en factures d'énergie en 2021, contre 10% en 2020 (8, 9). De plus, 60% des ménages déclarent avoir réduit leur consommation de chauffage pour des raisons financières en 2020, un chiffre qui atteint 69% en 2021. En ce qui concerne la précarité face à la chaleur, en 2020, le médiateur national de l'énergie estimait que 52% des ménages français avaient souffert de la chaleur en raison de la canicule, du manque d'isolation ou de la ventilation médiocre du logement (10). Le Baromètre énergie-info de 2022 indique que ce chiffre est passé à 59% en 2021 (11).

La précarité énergétique, initialement dénommée « fuel poverty », a émergé dans les années 70 au Royaume-Uni (1,2). Dans les années 90, elle a été définie comme le fait qu'un ménage consacre plus de 10% de ses revenus à ses dépenses énergétiques pour chauffer son logement. Les autorités ont réagi en mettant en place des stratégies telles que « The Fuel Poverty Strategy » pour atténuer cette précarité énergétique.

LES INDICATEURS UTILISÉS POUR CARACTÉRISER LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE :

De nombreux chercheurs à travers le monde se sont penchés sur la question de la précarité énergétique en élaborant des indicateurs visant à mesurer cette problématique à l'échelle individuelle. Ces indicateurs se regroupent généralement en trois approches : économique, subjective et de privation (4). Ils permettent d'évaluer si un ménage se trouve en situation de précarité énergétique ou non.

    • L'approche "After Fuel Poverty" considère qu'un ménage tombe sous le seuil de pauvreté monétaire du pays une fois ses dépenses énergétiques effectuées.

    • Le "Bas Revenu Dépense Élevée", inspiré en partie de l'approche précédente, concerne les ménages qui passent en dessous du seuil de pauvreté par unité de consommation après avoir payé leurs impôts et charges, en raison de dépenses énergétiques trop élevées (pondérées par rapport au seuil médian).

    • Le "Taux d'Effort" correspond à la proportion des dépenses énergétiques par rapport au revenu disponible total du ménage ; les ménages sont considérés en situation de précarité énergétique si ce taux dépasse les 10%. Il s'agit de l'indicateur le plus couramment utilisé par l'Union européenne pour les comparaisons inter-pays.

Cependant, ces indicateurs présentent des limites, notamment le fait que les ménages qui réduisent leurs dépenses énergétiques pour minimiser leurs coûts ne sont pas pris en compte. À l'inverse, des ménages avec un revenu plus élevé, résidant dans un logement confortable et choisissant de surchauffer leur habitat, seront inclus dans ces indicateurs en raison de leurs dépenses énergétiques élevées. De plus, ils ne prennent pas en compte la sensibilité aux variations climatiques selon la région de résidence ni les besoins réels des ménages en termes de confort thermique.

  • Dans cette approche, les indicateurs sont basés sur des informations recueillies directement auprès des habitants via des questionnaires, évaluant leur perception du froid ou de l'inconfort thermique. Ces données peuvent être croisées avec les températures effectives dans le logement et les températures recommandées par la législation nationale. Par exemple, en France, la loi impose une garantie de température du logement entre 18 et 19 degrés Celsius (15).

  • Cette approche mesure l'écart entre la dépense énergétique théorique, en fonction des caractéristiques du logement, et la dépense réelle. Cependant, le calcul de cet indicateur nécessite une connaissance détaillée des caractéristiques du logement, ce qui n'est pas toujours réalisable à partir des données disponibles.

    En France, l'Observatoire National de la Précarité Énergétique (https://onpe.org/), créé en 2011 suite à la loi Grenelle, utilise trois indicateurs consensuels pour caractériser la précarité énergétique :

    • Le Taux d'Effort Énergétique à 8%,

    • Le " Bas Revenu Dépense Élevée ",

    • Le Ressenti au Froid.

Des interventions pour l’amélioration de qualité de l'air négligent les inégalités sociales

AUTEURS : SÉVERINE DEGUEN, WAHIDA KIHAL (CNRS) & PAULINE VASSEUR (PMI)

Depuis les années 1970, la conscience environnementale a conduit à une multiplication des interventions, politiques et programmes pour protéger l'environnement, avec un cadre juridique de plus en plus développé. Tous les cinq ans depuis 2004, un Plan National de Santé Environnement (PNSE) est élaboré, décliné en Plans Régionaux de Santé Environnement (PRSE). Ces plans mobilisent administrations et collectivités territoriales pour lutter contre la pollution de l'air à différentes échelles territoriales. Les interventions peuvent cibler divers secteurs et sources de pollution, notamment les transports (ZFE, péages urbains, réglementation des carburants, transports en commun), le secteur résidentiel (chauffage), et le secteur industriel (réduction des émissions, conversion énergétique).

  • De nombreuses interventions ont été déployées en France et à l'international pour réduire la pollution de l'air, avec des méthodes d'évaluation variées avant et après leur mise en œuvre. Les schémas d'études épidémiologiques, tels que les études avant-après, contrôlées ou non, sont couramment utilisés pour évaluer l'efficacité des interventions sur la qualité de l'air et la santé. Cependant, les résultats de ces évaluations sont souvent sujets à des biais et présentent un niveau de preuve variable, rendant difficile une conclusion globale sur leur efficacité. D'autres méthodes d'évaluation, telles que l'Évaluation Environnementale (EE), l'Évaluation d'Impact sur la Santé (EIS) et les Évaluations Quantitatives d'Impact Sanitaire (EQIS), sont également utilisées pour anticiper les effets des interventions sur la santé et l'environnement.

    • Ces approches offrent des outils précieux pour guider les décideurs dans leurs choix de politiques et de programmes, mais la prise en compte des inégalités socio-économiques reste souvent limitée dans ces études.

      Pourtant, les interventions visant à améliorer la qualité de l'air peuvent parfois aggraver les inégalités sociales de santé. En effet, certaines mesures, telles que la mise en place de zones à faibles émissions ou de péages urbains, peuvent avoir un impact disproportionné sur les populations les plus défavorisées. Par exemple, les restrictions de circulation peuvent limiter l'accès des populations à faible revenu aux transports en commun ou les contraindre à utiliser des véhicules plus anciens et plus polluants. De même, les politiques de réduction des émissions industrielles peuvent affecter les emplois et les économies locales dans les régions dépendantes de certaines industries. Sans une prise en compte appropriée des disparités sociales dans la planification et la mise en œuvre de ces interventions, il existe un risque accru de creuser davantage les écarts de santé entre les populations déjà vulnérables et les groupes plus privilégiés.

Ainsi, il est essentiel que les décideurs intègrent une perspective d'équité sociale dans la conception des politiques environnementales afin de garantir que les avantages de ces interventions profitent à tous de manière équitable.

Impact de l'Exposition Conjointe à la Pollution Atmosphérique et au Bruit sur la Santé : Un Double Fardeau pour les Populations Urbaines

AUTEURS : SÉVERINE DEGUEN, WAHIDA KIHAL (CNRS)

Depuis les années 1970, la prise de conscience des enjeux environnementaux a entraîné une multiplication des interventions pour protéger l'environnement et un développement significatif du cadre juridique correspondant. Avec le changement climatique, cette problématique est devenue encore plus présente dans notre quotidien, mobilisant toutes les échelles territoriales, y compris les collectivités et les administrations santé-environnement. Ces acteurs mettent en œuvre des programmes d'action dans des domaines comme l'eau, l'air et les sols. Un enjeu croissant, surtout en milieu urbain, est la lutte contre la pollution de l'air et les nuisances sonores, qui constitue un véritable défi de santé publique.

  • La pollution de l’air a un impact considérable sur la santé publique. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), elle est responsable de plus de 4 millions de décès prématurés chaque année dans le monde. En France, entre 2016 et 2019, environ 40 000 décès annuels étaient attribués aux particules fines (PM2.5) et 7 000 au dioxyde d’azote (NO2), représentant respectivement 7 % et 1 % de la mortalité annuelle. Le coût économique de la pollution de l’air en France est estimé à près de 100 milliards d’euros par an, soulignant l’urgence d’actions visant à réduire l’exposition des populations urbaines à ces polluants.

  • Le bruit est une nuisance environnementale significative, particulièrement dans les zones urbaines, où les principales sources incluent le trafic routier, aérien et ferroviaire. Bien que le bruit ait reçu moins d’attention que la pollution de l’air, il est le deuxième facteur de risque environnemental pour la mortalité et la morbidité en Europe. L’OMS estime à plus d’un million les années de vies perdues à cause du bruit en Europe. Les niveaux élevés de bruit peuvent causer des pertes auditives, mais même des niveaux inférieurs d’exposition chronique sont liés à des troubles du sommeil et à un risque accru de maladies cardio-neuro-vasculaires, telles que l’hypertension, l’infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux.

Ainsi, la pollution de l’air et le bruit sont deux enjeux majeurs de santé publique, particulièrement en milieu urbain. La réduction de ces expositions est cruciale pour améliorer la qualité de vie et réduire les coûts économiques associés aux maladies qu’ils provoquent. Des mesures concertées et des politiques publiques efficaces sont nécessaires pour protéger la santé des populations.

PLANS NATIONAUX ET INÉGALITÉS SOCIALES DE SANTÉ (ISS)

Par ailleurs, en France, les plans nationaux de santé, tels que le plan nutrition santé et la stratégie décennale contre le cancer, visent à réduire les inégalités sociales de santé (ISS). Le plan national santé environnement se concentre sur la réduction des inégalités environnementales, avec des actions spécifiques comme la création de plateformes d’information et la lutte contre la pollution de l’air et le bruit.

C'est dans ce contexte que BruitParif et Airparif ont récemment présenté le résultat de leur collaboration : un outil cartographique illustrant la coexposition aux pollutions sonores et atmosphériques en Île-de-France.

Les cartographies combinant la pollution de l'air et le bruit des transports sont essentielles pour les collectivités, aidant à élaborer de nouveaux plans d'urbanisme. Elles identifient les zones à préserver pour leur calme et celles nécessitant des mesures de prévention en raison de niveaux élevés de pollution et de bruit. Ces cartographies permettent d'évaluer l'efficacité des politiques publiques, comme les pistes cyclables et l'électrification des véhicules, et de suivre l'impact des actions ciblant une pollution sur l'autre. Utilisées dans la recherche, elles croisent les données air-bruit avec des informations socio-économiques et sanitaires, améliorant ainsi la compréhension de l'exposition combinée aux pollutions. Ces outils seront disponibles dans le cadre du Plan régional santé environnement 4 d’Île-de-France (PRSE4).

OUTIL CARTOGRAPHIQUE

Cependant, bien que de nouveaux outils et méthodes émergent dans le domaine de la santé environnementale et soient précieux pour enrichir la compréhension et les initiatives de santé publique, ils intègrent peu souvent le volet socioéconomique. Or, de nombreuses données suggèrent que les interventions de santé publique pourraient même aggraver les inégalités sociales de santé (ISS).

  • Il existe un lien fort entre la défaveur socioéconomique et le risque accru de maladies cardio-neuro-vasculaires. Les personnes socialement défavorisées ont un risque presque doublé de syndrome coronarien aigu et subissent des AVC plus tôt que les personnes favorisées. Les études montrent une association significative entre la défaveur socioéconomique et l'incidence et la prévalence des maladies coronariennes, même après ajustement pour les facteurs individuels. La réduction des inégalités sociales de santé, notamment en matière de maladies cardio-neuro-vasculaires, est cruciale. Il est essentiel d'évaluer l'impact des interventions environnementales sur les différentes couches sociales pour éviter d'aggraver les ISS et améliorer les politiques de santé publique.

Amélioration des Connaissances et Priorisation des Interventions

Dans ce contexte, il devient crucial d'explorer les inégalités environnementales liées à la co-exposition au bruit et à la pollution de l'air, ainsi que leur relation avec la défaveur socioéconomique. En intégrant cette dimension socioéconomique dans les analyses de données, et tout particulièrement les analyses spatiales, l'objectif est d'identifier si certains groupes, notamment les plus défavorisés, pourraient être plus vulnérables.

Il est essentiel de promouvoir le développement de projets visant à identifier les zones à risque accru de certaines maladies, en tenant compte des facteurs de défaveur socioéconomique et de la forte exposition au bruit et/ou à la pollution de l'air. La production de cartes détaillées permet de visualiser ces zones à une échelle fine, facilitant ainsi la priorisation des interventions pour améliorer la santé publique.

En complément des résultats statistiques, un guide méthodologique pourrait être rédigé, en s'appuyant sur la diversité socioéconomique, sanitaire et environnementale de diverses régions. Ce guide permettra de reproduire cette approche dans d'autres territoires, afin d'identifier les zones prioritaires d'intervention dans une démarche d'Équité en Santé Environnementale, encore peu appliquée à l'exposition au bruit.

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